Pourquoi m’a-t-il fait ça ? C’est la question que se pose encore Isabelle Maillot bien des années après l’agression incestueuse dont elle a été victime dans son enfance par son frère. Elle témoigne à visage découvert, dans son premier livre “Vivre”, de ce qu’elle a subi, des conséquences psychologiques désastreuses et dramatiques sur sa vie sentimentale et sexuelle, du parcours accompli pour faire reconnaître sa souffrance et pour la dépasser. Aujourd’hui, elle nous revient avec son deuxième ouvrage “Vivre après avoir parlé de l’inceste” pour aider du mieux qu’elle le peut les victimes de l’inceste, être à leur écoute et leur apporter de l’espoir.
L’inceste chez un enfant est un sujet tabou ici comme ailleurs, où bien souvent c’est la loi du silence et des non-dits qui prévalent.
“Depuis des années je pensais à écrire, je voulais m’extraire de ce poids lourd, de cette ombre qui planait sur ma famille. Si j’ai voulu raconter ma vie c’est parce qu’elle a été marquée par l’inceste dont j’ai été victime enfant”.
Isabelle Maillot est née dans une famille nombreuse de 13 enfants dans une case en bois sous tôle. Des parents souvent absents, les enfants livrés à eux-même la plupart du temps, c’était comme cela dans presque toutes les familles réunionnaises, l’éducation des petits se faisait par les plus grands.
Isabelle avait 4 ans quand son frère de 12 ans , sensé la protéger, la viole pendant deux longues années. Avec “Vivre”, elle a voulu se prouver qu’elle avait le courage de dévoiler la vérité, sa vérité sans fard ni artifice.
“Aujourd’hui je peux baigner en pleine lumière à visage découvert. Au fil des années, j’ai développé mes capacités de résilience, cette faculté de rebondir pour surmonter des drames, et aussi j’ai appris à m’appuyer sur ce que peut apporter la psycho traumatologie, cette discipline est exercée par des spécialistes qui aident des gens ayant des troubles psychique découlant d’événements traumatique comme des abus sexuels, des violences, etc”.

Autant de maux avec lesquels elle a été forcée d’apprendre à composer, à se reconstruire. Son frère a reconnu les faits en 2016, 40 ans plus tard et il lui a demandé pardon. Isabelle le pardonnera et son premier livre voit le jour l’année suivante. Un ouvrage qui lui a permis de se libérer, d’être soulagée. Aidée par une écrivaine, Isabelle raconte son enfer douloureux, ses souffrances.
Coiffée de sa casquette d’auteur, elle ouvre de nombreuses portes et crée une association sous le nom de son livre “ Vivre”. Elle écoute des détenus en prisons, les écoute au tribunal pour tenter de comprendre la parole d’un bourreau, et multiplie les dédicaces….Bref, Isabelle favorise toutes les occasions qui lui permettent de marteler ce message : inciter les victimes, mais aussi les bourreaux à libérer leur parole. Ainsi, de la noirceur est née la lumière. Elle fait de formidables rencontres, se sent utile, enfin belle.
“Vivre après avoir parlé de l’inceste!”, son deuxième ouvrage relate ces expériences, conçu comme un guide, un recueil d’initiatives ambitionnant de briser le silence de la honte.
“ Je voudrais le répéter malgré un passé traumatisant, en se faisant aider, en se donnant les moyens d’avancer, en n’abdiquant jamais, en croyant en soi et surtout en parlant, en n’oubliant jamais qu’on n’est pas responsable de ce que l’on a subi et en se souvenant que si l’on se tait, on permet à ce fléau qu’est l’inceste d’insidieusement se propager, on peut réussir à bâtir quelque chose de beau sur de la noirceur”.
Isabelle a vécu l’enfer, mais si elle n’avait pas été abusée, elle n’aurait pas écrit ces deux récits. Elle n’aurait peut être pas rencontrée autant de belles âmes, peut être pas effectuée ce travail sur elle-même qui l’a certes parfois coûté, mais qui l’a énormément enrichie. Elle ne serait tout simplement pas aujourd’hui la Isabelle pétillante fière de ce qu’elle est devenue.
Isabelle Maillot est aujourd’hui référente de l’association Les Papillons en France métropolitaine, fondée et présidée par Laurent Boyet. L’association installe dans les écoles primaires des boîtes aux lettres papillons pour aider les enfants à libérer leur parole de toutes les maltraitances dont ils sont victimes : violences sexuelles, harcèlement scolaire, violences physiques et psychologiques.
“Nous voulons nous mettre à la hauteur des enfants, aller où nous sommes certains de pouvoir les atteindre. Leur offrir cet outil qu’est la boîte aux lettres papillons comme on leur tendrait la main, tels sont nos moteurs. Laurent Boyet a été lui aussi victime de violence sexuelle intrafamiliale et c’est pour cette raison que nous nous investissons dans cette action”.
Le déploiement de ces boîtes aux lettres s’accompagnera d’un diaporama qui expliquera aux enfants ce qu’est une infraction, de quoi ils pourraient être victimes.
A l’île de la Réunion, deux écoles sur la commune de Saint Denis vont pouvoir à la rentrée prochaine installer la boîte aux lettres papillons avec l’aval de l’inspectrice de cette circonscription qui a validé le projet.
Aujourd’hui, Isabelle Maillot continue les démarches afin de solliciter d’autres établissement scolaires. Avec la période de confinement, les risques de violences intra familiales ont augmenté, mais elle ne lâche rien. Elle souhaite accompagner les victimes d’incestes qui souffrent en silence en leur permettant de s’exprimer pour pouvoir soulager leurs maux avec des mots car la parole est libératrice.
Vous pouvez la suivre sur sa page ou encore lui envoyer un mail à isabelle.td@hotmail.fr

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